Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

Au théâtre, le meilleur ami de l’homme, un partenaire de jeu idéal

Retrouvez tous les épisodes de la série « Des œuvres qui ne manquent pas de chien » ici.
Il n’aboie pas, ne gémit pas et fait ce qu’on lui dit de faire. Le chien est un partenaire de théâtre idéal qui gambade avec politesse sur les scènes, s’assoit lorsqu’on le lui demande, se couche si nécessaire. Tout juste vient-il renifler les chaussures des spectateurs assis aux premiers rangs qui ont l’interdiction formelle de le caresser pour ne pas le déconcentrer.
On a vu cette année deux spectacles dont le chien était le héros, assumant les places de l’enfant, du confident, voire du psychanalyste. Celui, tout petit, que serrait contre elle Marina Hands au Théâtre du Vieux-Colombier à Paris se nommait Miky. Il était d’autant plus à son aise dans les bras de l’actrice qu’elle en est la maîtresse. Miky ne jappait pas et Marina Hands se taisait dans Le Silence, un spectacle de Lorraine de Sagazan. Pourtant l’échange entre eux était éloquent, œil affectueux de l’animal, sourire attendri de l’actrice que soulageait sans doute ce restant de complicité au cœur d’un drame effroyable : elle jouait une mère en deuil de son enfant. Et peut-être bien que le public lui aussi trouvait du réconfort à la vue de Miky qui remettait de la vie là où la mort avait sévi.
C’est à ça que servent les chiens sur les plateaux de théâtre : ils sont les vivants par lesquels transitent les affects et qui assurent le sous-texte d’une histoire sans eux incomplète. Quelques mois avant le Silence, au Théâtre du Rond-Point, à Paris, Yuval Rozman mettait en scène Ahouvi, distribuant, en alternance, Yova et Epops, deux bergers australiens. Leur rôle ? Servir d’enfant de substitution à un couple qui s’entredéchirait, faire la navette entre les amants, marquer leur préférence ou leur indifférence, bref alimenter le conflit à coups de truffes humides.
Certains ont pu s’extasier devant leur qualité de présence. Sans aller jusque-là, le fait est qu’ils assuraient et que les regards, souvent, les scrutaient au détriment des comédiens. Le chien sait voler la vedette à l’acteur. Il arrive même qu’il l’agresse avec sauvagerie. En 2008, au Festival d’Avignon, Brigitte Salino rapportait dans Le Monde la séquence mémorable d’un spectacle présenté cet été-là : « Avec L’Enfer de Dante, des chiens sont entrés dans la Cour d’honneur du Palais des papes. Sept molosses, tenus en laisse par leurs maîtres qui les ont attachés à des chaînes et laissés, gueules ouvertes, hurlant sur le plateau nu et noir. Pendant ce temps, un homme enfilait sur ses vêtements de ville une épaisse combinaison. Quand il eut fini, trois autres chiens ont été lâchés sur lui. Ils s’acharnaient sur son corps, tentant de déchiqueter la protection qui le recouvrait. A un sifflement, ils sont repartis, l’homme s’est relevé et il a disparu sous une arche. Cet homme, c’était Romeo Castellucci, maître d’œuvre du spectacle. »
Il vous reste 15.47% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish